EDITORIAL

Il faisait très beau ce jour là. Antoine m'avait donné rendez-vous dans son atelier au 3° étage 8 rue JEAN BALLARD. J'étais fébrile, anxieux, comment allait-il accueillir le tableau que je lui amenais.

Tout avait commencé 5 ans plus tôt avec cette affiche vue sur la porte d'un commerce :

GALERIE JOUVENE ANTOINE FERRARI et ce portrait de femme brossé à grands traits, affiche qui restera longtemps accrochée à mes murs. Je possède toujours cette image roulée comme une relique, inestimable papyrus.

La découverte de ce peintre fut un choc pour moi et cette première exposition une révélation.

Oui j'allais collectionner oui j'allais m'intéresser à Antoine et à ses amis.

Quand son livre parut à ce vernissage flamboyant organisé par madame Masquin, j'étais là. Il me dédicaça son livre ainsi que l'auteur Mr ALAUZENDI GENOVA mais il ne me connaissait pas encore.

Le destin prit la forme d'une magnifique toile un 30 points dans les tons bleus, une rue de village, enlevée avec caractère que j'achetai chez un brocanteur pour une modique somme. Ouvre superbe mais non signée, avait-elle besoin de l'être pour que j'en reconnaisse l'auteur. Le rendez vous fut pris rapidement. Il m'attendait en haut de l'escalier, me serra la main, les yeux fixés sur l'arrière de la toile que je serrais contre moi. Puis doucement sa main caressa le châssis et il me dit : c'est moi qui ai monté cette toile. Arrivé dans son atelier je posai le tableau sur un chevalet qui trônait au milieu de tous ces objets que je connaissais déjà car ils servaient de modèles à toutes ses natures mortes.

Il me prit dans ses bras et me dit : Mon dieu c'est formidable où donc avez vous trouvé ça !

Ce fut le début si ce n'est d'une amitié car l'homme était secret et réservé, mais au moins d'une affection sincère qui nous lia pendant les deux années qui précédèrent son accident de circulation.

Nous nous vîmes assez souvent, soit dans son atelier soit chez moi où il me fit le plaisir de venir déjeuner, commentant ses propres productions mais aussi les toiles d'AMBROGIANI dont il me vantait le talent et la longue amitié qui les liait, m'expliquant l'harmonie des couleurs, les choix de coloris, la dynamique des traits.

Nous parlions aussi de LOUIS MATHIEU VERDILHAN de RICHARD MANDIN et De JEAN SAUSSAC dont j'estime les ouvres et qu'il considérait comme un des meilleurs peintres du PEANO.

Par deux fois je le vis peindre, se jetant avec force sur la toile puis se reculant rapidement, l'oil acéré, le geste précis. J'étais médusé, stupéfait de réaliser que l'impression de l'objet sur la toile était faite de l'assemblage de traits discontinus, apparemment sans lien les uns avec les autres et ne trouvant leur place que dans l'achèvement du tableau.

Vint l'accident.

Antoine ne peignit plus, il allait tous les jours dans son atelier et il restait là, rangeant, nettoyant, lisant, l'envie de peindre n'était plus là ou du moins, et c'est mon opinion, s'était-il rendu compte qu'il ne pourrait plus produire une toile de la force de celles qu'il nous avait habitués a faire.

Il gardera chez lui ce portrait photographique de mon fils ainé déguisé en clown que je souhaitais lui voir faire.

Il ne le fit jamais.

La maladie l'enleva début 1995 mais son ouvre, difficile parfois au premier abord, mais ensuite si attachante, nous reste à jamais, couleurs jetées à notre face dans cet expressionnisme provençal, comme un courant majeur de la peinture du MIDI.

Dors tranquille Antoine ta peinture, comme toi, est devenue éternelle.



accueil